La face cachée de Boko Haram
Les ravages de la Terreur
Origine de ce dossier

Reconstruire sur les ravages de la Terreur

Malgré l’avancée de l’armée sur Boko Haram, cela pourrait prendre des années voire des décennies pour stabiliser et restaurer les villes détruites du nord-est

À en croire le président nigérian Muhammadu Buhari, Boko Haram est pratiquement défait. À la veille de Noël l’an dernier, il a annoncé que les troupes avaient capturé la dernière enclave du groupe terroriste dans l’immense forêt de Sambisa. Selon lui, cette reconquête marquait “l’écrasement final de Boko Haram”. Le chef d’état-major de l’armée nigériane a aussi eu son mot à dire, en affirmant que les terroristes étaient en fuite et n’avaient plus de refuge pour se cacher. Deux jours plus tard, deux kamikazes visent un marché de bétail à Maiduguri, qui, avec ses 1,1 million d’habitants est la plus grande ville au nord-est du Nigeria. L’un se fait exploser et meurt ; l’autre, une femme, est lynchée par une foule en colère qui l’empêche de détoner sa bombe. L’attaque-suicide ne sera pas revendiquée, mais elle porte la marque de Boko Haram. Ses kamikazes, dont un nombre important de femmes, ont tué des milliers de Nigérians dans les lieux publics au cours de ces cinq dernières années.

Peu de Nigérians ont été surpris par ce sempiternel scénario. M. Buhari et son prédécesseur Goodluck Jonathan ont eu l’habitude de promettre une victoire imminente contre Boko Haram, avant que ne se déclenche toutefois une nouvelle vague d’attaques mortelles au nord-est du pays. Si la guerre contre le groupe radical islamiste progresse – et cela est vrai dans une certaine mesure -, cette avancée n’a pas encore mis fin aux souffrances de millions de Nigérians qui essaient de faire face à la destruction de leurs maisons, à la perte de leurs moyens de subsistance, à l’approvisionnement irrégulier en nourriture et en eau, aux enlèvements de leurs amis et des membres de leur famille, ainsi qu’à la menace encore très réelle d’une attaque-suicide perpétrée par Boko Haram contre leur marché local ou station de bus, avec l’objectif de tuer des innocents.

Des vidéos enregistrées par Boko Haram et obtenues exclusivement par VOA illustrent de manière écœurante la brutalité de la nébuleuse. Sur les images les plus choquantes, probablement filmées à la fin de 2014, nous voyons les islamistes installés dans le village de Kumshe contraignant les habitants à assister à la flagellation de dix usagers présumés de drogue et forçant certains des villageois à administrer eux-mêmes des coups de fouet à ces personnes incriminées et jugées sur le tas. Puis, malgré les cris et lamentations des résidents, les djihadistes exécutent froidement de plusieurs balles au cœur ou dans la tête trois hommes accusés de vendre de la drogue.

Après la tuerie, l’un des bourreaux déclame: «Nous avons exécuté le jugement de Dieu», avec en arrière-plan les corps des hommes assassinés gisant dans une mare de sang.

Un chef de Boko Haram dit à des hommes et un garçon qu’ils seront exécutés s’ils recommencent. (vidéos Boko Haram)

L’incident et ld’autres montrent que les membres de Boko Haram s’adonnent cruellement à leur vie quotidienne dans leur califat auto-proclamé. C’est le sujet d’une série de quatre vidéos “La face cachée de Boko Haram.” Ces enregistrements montrent ce qui est en jeu au Nigeria alors que le gouvernement assure que des progrès réels existent dans cette guerre qui a couté la vie à au moins 18.000 personnes et ces dizaines de milliers de femmes et d’enfants kidnappés par Boko Haram. Peu importe les avancées de l’armée, le chemin vers un retour à la normal est encore long.

Jacob Zenn, expert en affaires africaines à la Fondation Jamestown, un groupe de réflexion non-partisan à Washington, D.C., est d’avis qu’il faudra tout au moins trois à cinq ans pour véritablement vaincre militairement Boko Haram. D’ici là, précise-t-il, il est possible de le ”repousser dans ses derniers retranchements au nord-est du Nigéria et le réduire à un groupe représentant un simple danger, au lieu d’une menace à la souveraineté nigériane comme c’est le cas”.

La stabilisation de la région du nord-est, où plus de 18 000 personnes ont été tuées dans les attaques de Boko Haram ou dans les opérations antiterroristes nigérianes depuis 2009, prendra beaucoup plus de temps, selon M. Zenn.

“Mes commentaires surprennent parfois les Nigérians, mais je pense qu’il faudra au moins 20 ans [pour s'en débarrasser]. On a perdu au moins une génération à cause de Boko Haram, du moins dans le nord-est du Nigéria”, explique-t-il.

La reconstruction des écoles de la région prendra aussi des années. Un grand nombre d’établissements scolaires ont été incendiés jusqu’aux cendres par Boko Haram, dont le nom, traduit du Hausa, signifie “l’éducation occidentale est interdite”. Dans son dernier rapport sur les besoins humanitaires dans le nord-est du Nigéria, l’Organisation des Nations Unies affirme que trois millions d’enfants en âge scolaire n’ont pas accès à l’éducation.

“Il va falloir une génération pour reconstruire cette communauté, après tout ce que subissent les habitants de la région à cause de ce conflit”, ajoute M. Zenn.

Une Ville, Quadruple Destruction

L’objectif de Boko Haram, comme le martèle son chef historique Abubakar Shekau dans ses vidéos, est de mener une guerre sainte, débarrassant l’Islam et le Nigéria de toute influence occidentale et créant un califat où règne la loi islamique dans sa version la plus stricte. Toutefois, il s’agit d’une autre terrible réalité sur le terrain, car le groupe ne semble pas épargner non plus les musulmans nigérians, en prenant d’assaut certaines mosquées et des villes majoritairement musulmanes. À titre d’exemple, prenez Mainok, une petite ville située à environ 60 kilomètres à l’ouest de Maiduguri. À quatre reprises depuis mars 2014, les forces de Boko Haram sont entrées dans la ville, tuant à chaque occasion des dizaines de personnes et détruisant au passage des maisons, des magasins et des écoles, ainsi que le centre de santé et le poste de police de la ville.

Le chef de la localité Lawan Bukar Kyari a confié à VOA que les habitants n’avaient aucun moyen de se défendre. “Lors des attaques tous azimuts de Boko Haram ici, nous n’étions protégés par aucune sécurité. Nous n’avions qu’un avant-poste doté d’environ quatre policiers”, a-t-il indiqué. “Ils viennent ici quand ils veulent. Ils tuent des gens et s’en vont sans que personne ne les intercepte. Nous avons souffert de cet état de choses pendant deux ou trois ans et tout le monde dans cette ville avait fui… Boko Haram a tué plus de 200 personnes dans cette ville.”

Des civils retournent dans les rues de Mainok, reconstruite pour la 4e fois. (VOA)

Depuis que le gouvernement a repris la ville au début de l’année dernière et établi un poste militaire, les gens ont commencé à revenir. Et pour la quatrième fois, Mainok revit des travaux de reconstruction. “Nos enfants n’ont pas pu se rendre à l’école depuis ces trois dernières années,” a indiqué M. Kyari.

Mainok n’est malheureusement pas la seule ville à subir les affres de Boko Haram. Plusieurs parties de l’État de Borno, l’épicentre de l’insurrection, sont devenues pratiquement invivables. Dans un entretien accordé à VOA, le gouverneur Kashim Shettima a pris à témoin une récente étude de la Banque mondiale pour soutenir que Boko Haram a été à l’origine de la destruction de plus de 950 000 maisons à travers l’État, soit environ 30 pour cent du nombre total de logements dans la région. Selon lui, les islamistes ont également détruit plus de 5 000 salles de classe, environ 200 centres de santé et plus de 1 000 sources d’eau, et ont aussi endommagé une grande partie de la capacité de production d’électricité de l’Etat.

“C’est horrible, ce niveau de destruction”, a renchéri M. Shettima.

Les populations qui ont souffert le plus sont peut-être celles de Bama, un carrefour commercial au sud-est de Maiduguri, près de la frontière avec le Cameroun. Les combattants de Boko Haram ont saisi cette ville de près de 300 000 âmes en septembre 2014 et l’ont transformée en une ville fantôme. Des centaines, peut-être même des milliers, d’habitants ont été tués par les terroristes avant que d’autres résidents aient pu prendre la fuite. Une vidéo, particulièrement atroce à visionner, a fait surface en ligne, dans laquelle nous pouvons voir des hommes armés transportant des personnes sur le pont de la rivière Yedzaram, leur tirant des balles dans la tête avant de les jeter à l’eau.

Bama ne possède pas les infrastructures adéquates pour permettre à la ville de fonctionner. D’après M. Shettima, la ville a été détruite à 90 % ; les journalistes de VOA qui s’y sont rendus en septembre 2016 ont confirmé ses dires. Ceux-ci ont constaté sur place des rues désertiques, sans âme, de même que des bâtiments incendiés. Le gouverneur a promis que les villes détruites à travers l’Etat seraient reconstruites, ces grands chantiers utilisant la main-d’œuvre et les matériaux locaux afin de réduire le chômage. “Nous construisons des maisons, des écoles, des cliniques et, pour contrecarrer le mensonge de Boko Haram, nous construisons aussi des mosquées”, a-t-il affirmé.

Près de la ville de Bama, des enfants puisent de l’eau dans un camp où s’amassent 27.000 déplacés Nigérians. (VOA)

Mais les besoins immédiats sont énormes. En janvier, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a signalé que l’insurrection menée par Boko Haram avait engendré le déplacement de près de 1,7 million de Nigérians à l’intérieur du pays, la majorité d’entre eux vivant dans des camps. Certaines zones de Borno, auxquelles les travailleurs humanitaires ne peuvent pas accéder en toute sécurité, sont exposées au risque de famine, d’après  cette agence onusienne, tandis qu’environ 5 millions de Nigérians sont confrontés à des “déficits alimentaires et nutritionnels extrêmes”. À une échelle plus petite, la situation est similaire dans les régions voisines du Tchad, du Niger et du Cameroun, où Boko Haram a installé des bases d’opération et perpétré des attaques depuis 2013.

Il est peu probable que la situation alimentaire s’améliore du jour au lendemain, a averti l’OCHA, car “le conflit et le risque que représentent les engins explosifs improvisés, qui peuvent détonner à tout moment, ont entravé l’agriculture pour la troisième année consécutive”.

M. Shettima a loué les efforts de l’UNICEF, du Programme alimentaire mondial et du milliardaire nigérian Aliko Dangote qui tous tentent d’aider les gens à reconstruire leur vie. Et face à cette situation qui, comme on le dit, ne pourrait être pire, le gouverneur de l’État de Borno reste optimiste.

“Nous nous trouvons vraiment au niveau le plus bas. Je n’exagère pas “, a expliqué M. Shettima à VOA News. “Nos populations, même dans le meilleur des cas, sont les plus pauvres des pauvres. Boko Haram les appauvrit davantage ”, a-t-il ajoutée. “Mais nous ne sommes pas là pour nous lamenter sur notre sort, mais pour prendre des mesures concrètes afin de rebâtir notre vie brisée.”

Cela dit, il ne faut pas s’attendre à de grandes avancées, à condition que le gouvernement nigérian, en étroite collaboration avec ses voisins, parvienne à s’assurer que Boko Haram ne revienne pas en force.

'Combien de fois comptez-vous nous tuer?'

Pendant pratiquement tout le long de l’an 2014, Boko Haram semblait agir sans être inquiété. En avril de cette année-là, le groupe enlève 276 adolescentes d’une école située dans la ville de Chibok; à ce jour, la plupart d’entre elles demeurent introuvables. Au cours de la même année, les combattants islamistes s’emparent de plusieurs villes dans les Etats de Borno, Yobe et d’Adamawa. Au mois d’août 2014, le chef Abubakar Shekau annonce la création d’un califat, à être gouverné selon l’interprétation ultra-stricte par le groupe de la loi islamique.

Ensuite, Boko Haram fait preuve d’une ambition démesurée. Le 25 janvier 2015, des centaines de miliciens du groupe tentent d’envahir Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, en lançant une double offensive de manière simultanée. Mais les troupes nigérianes contre-attaquent et les repoussent en dehors de la ville, appuyées par les frappes de l’armée de l’air du pays.

Une semaine plus tard, les combattants de Boko Haram attaquaient de nouveau Maiduguri, à partir de trois directions, cette fois-ci. L’armée les a combattu, avec le soutien des forces de l’air et des soldats d’une organisation d’autodéfense, le Groupe de travail mixte civil, dont certains armés de simples machettes et de gourdins.

 

Civils tués par Boko Haram

Les attaques qui ont échoué ont brisé l’élan de Boko Haram. En quelques semaines l’armée, épaulée par les forces Tchadiennes et du Camerounaises, ont commencé à repousser les djihadistes des zones peuplées. Mais ces avancées se sont produites trop tard pour le président Goodluck Jonathan, qui a été évincé aux élections de mars en faveur de Muhammadu Buhari, ancien dirigeant militaire qui a bâti sa campagne autour de la promesse de mettre fin à l’insurrection.

Depuis que Buhari a pris ses fonctions, l’opération militaire conjointe, impliquant le Nigeria et ses voisins, a fait des progrès indéniables. Boko Haram ne contrôle plus de villes nigérianes. Ses attentats-suicides et attaques contre des cibles militaires sont moins fréquentes et moins meurtrières que dans les années precedentes.

“Je dirais que la situation actuelle est presque calme,” a declare le ministre Nigerian de la Défense Mansur Mohammed Dan Ali dans une interview accordée a la VOA début Janvier. Les troupes ne font face qu’a des embuscades sporadiques, dit-il.

Le calme, peut etre… mais pas la paix. Les combattants de Boko Haram arrivent parfois a atteindre leurs cibles. En Novembre 2016, le groupe a tué deux lieutenants-colonels lors d’embuscades dans l’état de Borno. Parmis eux figurait l’un des commandants les plus décorés de l’armée, le lieutenant-colonel Muhammad Abu Ali. En début de Décembre, un double attentat suicide dans la ville de Madagali a tué plus de 50 personnes. À la mi-Janvier, trois poseurs de bombes – dont une fille de 12 ans – ont attaqué l’Université de Maiduguri, tuant un professeur et blessant 17 autres personnes.

Le 17 janvier, les Forces aériennes nigérianes ont choque le pays en bombardant un camp de civils, déplacés par les combats dans la ville de Rann, dans l’Etat de Borno. Un responsable local a déclaré que plus de 230 personnes sont mortes dans le raid aérien. Un accident, d’après les forces armées qui ont promis d’ouvrir une enquête.

Récemment, l’armée s’est attelée a déraciner Boko Haram de ses nombreux petits camps, cachés dans la forêt Sambisa, dans les montagnes, les grottes et des zones rurales isolées de l’Etat de Borno. D’apres le général de brigade Victor Ezugwu, les troupes sont engagées dans un jeu de chat et de la souris avec les militants.

Une femme est interrogée par les combattants de Boko Haram après la prise d’un village dans la région reculée de Banki. (vidéos Boko Haram)

“Quand nous détruisons ces camps, les survivants de la secte Boko Haram tentent de se regrouper et former de nouveaux camps,” dit-il. «Quand les camps ont été détruits il y a deux mois, nous sommes revenus. S’ il y avait une activité dans le camp, nous le détruisons à nouveau. Ces camps ne coûtent pas cher à mettre en place. Ils recherchent des planques sous les arbres, dans les collines ou ils peuvent se cacher. Peut-être qu’ils n’y mettent rien. Ils vivent comme des animaux “.

Une autre facette de Boko Haram qui revient régulièrement, est son dirigeant, particulièrement survolte. L’armée nigériane a déclaré Abubakar Shekau mort, a au moins trois reprises. Mais a chaque fois, il réapparait dans de nouvelles videos, aussi théâtrale que d’habitude. Menaçant, agite, moqueur…Shekau aurait l’étoffe d’un acteur comique, si sa rhétorique n’était pas si terrifiante.

Dans sa plus recente apparition, fin decembre, il a anéanti les affirmations du president Buhari, selon lesquelles Boko Haram avait été chasse de la forêt Sambisa. “Vous ne devriez pas dire des mensonges aux gens», a-t-il clame dans la langue Hausa locale. “Si vous nous avez effectivement écrasé, comment pouvez-vous me voir comme ça? Combien de fois nous avez vous tues dans vos mensonges? “

Le fait est que Boko Haram ne peut être complètement éradiqué, tant que la société nigériane ne règle pas les problèmes qui ont stimulé sa création. Le Nigeria est le plus grand producteur de pétrole d’Afrique et le plus riche pays du continent en termes de produit intérieur brut. Mais l’or noir est produit dans le sud et les recettes ne bénéficient qu’a l’élite. De nombreux observateurs lient la montée de Boko Haram à la pauvreté chronique du nord-est du Nigeria, et l’incapacité du gouvernement a y remédier.

Les responsables nigérians ne disposent pas d’une «main forte» pour aider les habitants dans cette région, a déclaré Zenn, qui a beaucoup étudié Boko Haram. «Ce sont des villages très reculés, ou la population n’a pas de loyauté envers le gouvernement en raison des services founis.”

Il y a aussi des problèmes écologiques, a-t-il ajouté. “Il y a des gens qui perdent leur gagne pain a cause de la désertification. Boko Haram represente en quelque sorte un emploi pour ceux qui n’en n’ont pas.”

Comme beaucoup d’autres groupes extrémistes d’Afrique et du Moyen-Orient, Boko Haram deforme la théologie islamique pour prêcher la violence, ce qui attire des jeunes qui se battent pour survivre.

Les vidéos de Boko Haram obtenues par le Voix de l’Amerique, exposent les dirigeants enseignant un islam bien different des pratiques traditionnelles.

Une des videos montre comment un commandant de Boko Haram sermonne ses combattants avant l’assaut, affirmant qu’Allah demande de combattre ceux qui ne croient en l’Islam. «Pour que l’islam se propage, il doit y avoir effusion de sang – soit la nôtre soit celle des non-croyants.” dit-il dans la video.

Dans un autre enregistrement, un messager de Shekau affirme a une foule, “Allah nous a mis a l’épreuve avec des hypocrites parmi nous. Toute religion dans laquelle vous restez en paix avec les infidèles, n’est pas celle des prophètes”.

Une interpretation que les spécialistes Nigerians de l’Islam réfutent catégoriquement.

“Il y a un problème dans leur compréhension de l’Islam”, estime le professeur Ibrahim Mohammed, directeur du Centre d’études coraniques à l’Université Bayero à Kano. “Il s’agit d’une fausse representation et d’une mauvaise interprétation. La lecture des versets du Coran est faite hors de leur contexte.” “Lorsque vous additionnez ces trois elements, vous obtenez zéro,” dit-il.

Aliyu Abul Fathi Khalifa, specialiste de l’Islam soufi à Maiduguri, abonde dans ce sens.

“Quel principe de l’Islam suivent-ils? Aucun. Ils ont tué des femmes. Ils ont tué des enfants. Ils ont tué des innocents. Et ils ont tué des chrétiens dans leurs églises et dans leurs maisons”, critique-t-il.

Des déplacés de Kumshe et Banki prient dans une mosquée de fortune dans le camp. (VOA)

Fathi prédit que les groupes extrémistes comme Boko Haram vont perdurer tant que l’Islam ne résout pas son débat interne. «Nous pourrons peut être vaincre Boko Haram, mais si nous n’arrêtons pas cette haine parmi les notres, nous ferons face a un autre groupe avec un nom différent,” dit-il.

“Beaucoup continuent de se former parce que c’est le credo. Ce credo doit être abordé”.

“Un autre groupe» est peut être deja entrain d’émerger au Nigeria. Début 2015, Shekau a prêté allégeance au groupe État islamique. Mais en Août dernier, l’organisation s’est détournée de Shekau, en nommant Abou Moussab al-Barnawi – fils du fondateur décédé de Boko Haram – a la tete du groupe. Shekau furieux a rejeté le mouvement dans un message audio deux jours plus tard. En quelques jours, Boko Haram s’est divisé et les affrontements entre les deux factions ont été signalés à la fin du mois. Les factions ont des différences idéologiques bien distinctes. Al-Barnawi soutient que les djihadistes devraient se concentrer sur l’attaque des chrétiens et des cibles militaires. Shekau soutient au contraire que tous ceux qui ne suivent pas strictement les enseignements d’Allah et du Prophète Mohammed – y compris les musulmans non fondamentalistes – peuvent être ciblés par la violence.

Une troisième faction, dirigée par Mamman Nur, est plus proche d’al-Barnawi dans ses croyances, mais n’a aucun lien avec le groupe Etat Islamique.

Ces divisions, en supposant qu’elles durent, peuvent aider l’armée nigériane a garder le contrôle des territoires reconquis, bien que la coalition militaire multinationale, luttant contre Boko Haram, a elle aussi fait preuve de fragilité. Les analystes disent que ces forces ont rarement coopéré à travers les frontières comme prévu.

La plus grande menace pour l’armée pourrait être la JTF civile. Amnesty International indique avoir documenté les exactions commises par le groupe, y compris les passages à tabac et les meurtres de personnes suspectées d’appartenir a Boko Haram. La guerre contre le groupe djihadiste tendant a s’apaiser, des milliers de jeunes hommes qui avaient pris les armes pour défendre leurs communautés sont attires par des emplois dans l’armée et la police.

Le gouvernement tente d’intégrer ses combattants, en partie dans son propre intérêt, estime Zenn.

“Il y a des gens qui s’inquiètent de voir le conflit prendre fin car vous avez maintenant des sortes de groupes paramilitaires qui pourrait devenir un monstre dans l’avenir”, explique-t-il.

C’est dans ce contexte que les autorités nigérianes continuent leur lente progression face a Boko Haram. Récemment, une autre des “filles de Chibok” a été retrouvée. Elle est maintenant la mère d’un bébé de six mois. La jeune fille a été découverte alors que les soldats interrogeaient des détenus, captures au cours des récents raids dans la forêt Sambisa.

La jeune femmesa été sauvée quelques jours avant que les militants réclamant le retour des filles Chibok marquent les mille jours de leur captivité.

Pour Zenn, le fait qu’un si grand nombre d’entre elles demeurent captives est un signe que Boko Haram n’est pas si proche de la défaite, que l’armée le pretend.

“Si le territoire de Boko Haram a été réduit à une peau de chagrin, comme le dit le gouvernement, comment se fait-il que toutes ces filles n’aient pas été retrouvées?” s’interoge-t-il. “Il aurait été logique que le gouvernement en trouve quelques unes.”

Mais pour l’heure il semble que la découverte de toutes les filles de Chibok puisse prendre plusieurs années.

 

POUR EN SAVOIR PLUS
Lire le combat du Nigeria contre Boko Haram.
Regarder la série “La face cachée de Boko Haram”
Apprendre comment VOA a obtenu ces vidéos de Boko Haram.

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Ecrit par Dan Joseph Conçu et produit par Tatenda Gumbo et Steven Ferri