Le gouverneur Rick Snyders ne peut plus ignorer l’évidence. Il annonce qu’un plan d’action va être mis en place à Flint. Le Michigan va donner des filtres aux habitants ainsi que des tests pour analyser l’eau du robinet. La ville rebranche son arrivée d’eau sur celle de Détroit. Mais ce changement arrive trop tard.
Les habitants sont en colère, et parmi eux, Karen Weaver, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Cette mère de trois enfants compte bien prendre les choses en main. Chaque jour, elle aussi s’inquiète de la santé de sa famille, mais aussi de ce qui se passe dans la ville. Sa ville.
Karen Weaver a grandi ici, dans les quartiers nord de Flint, près de la rivière avec ses trois frères et sa sœur. Après le lycée, elle a continué ses études et s’installe à Flint, sa ville natale, pour continuer sa carrière. Elle finit par obtenir un poste au sein de l’administration de l’hôpital. Armée de ses années d’expérience bureaucratique, elle décide de se présenter aux élections municipales avec une seule promesse : en finir avec la crise de l’eau.
Elle bat à plate couture l’ancien maire Dayne Walling qui avait trinqué son verre d’eau avec d’autres élus lors du changement, un an et demi auparavant.
Le 9 novembre 2015, elle devient la première africaine-américaine à obtenir le poste de maire de Flint. Trois semaines après son élection, lors d’un conseil municipal, elle demande que “tout le nécessaire soit fait pour résoudre cet état d’urgence, avec effet immédiat”. En janvier 2016, elle réussit à attirer l’attention nationale. Le président Barack Obama débarque dans son bureau pour déclarer l’état d’urgence fédéral à Flint.
Karen Weaver avait promis d’appeler le FBI pour enquêter. C’est chose faite depuis février 2016. La police fédérale commence à regarder scrupuleusement tous les e-mails et les échanges entre les différentes agences.
En février 2016, la Garde nationale basée au Michigan arrive à Flint. Les hommes en tenues militaires sont postés devant les centres de distribution pour donner des filtres et des bouteilles d’eau. Ils attendent dans un vent glacial les milliers d’habitants confus et frustrés par la situation.
Un centre de distribution est installé à la caserne des pompiers, non loin de la mairie.
“Bonjour Madame, pouvez-vous ouvrir votre coffre ? Il vous faut combien de paquets ?”, demande machinalement le militaire, soufflant un nuage de vapeur sur la vitre entrouverte. Avec la température, les conducteurs ne sortent pas de la voiture. “Il m’en faudrait quatre, j’en récupère aussi pour ma voisine”.
Les habitants ont compris que la solidarité devait primer sur l’espoir que l’État ou la municipalité trouve une solution rapide face à un problème sans précédent pour une ville de 100 000 habitants.
“On nous donne des bouteilles d’eau et des filtres, mais pour combien de temps ?” se demandent deux voisines au centre de distribution.
Après avoir vu ses cheveux auburn se décolorer, puis sa peau irritée, Melissa Mays ne décolère pas. Ses enfants de 9, 10 et 13 ans ont mal aux os, un des symptômes d’un empoisonnement au plomb.
Melissa Mays est devenue militante par la force des choses. La ville et l’État du Michigan ont continué, pendant des mois, à confirmer la salubrité de l’eau alors que les tests prouvaient le contraire. Dès novembre 2015, elle s’est réunie avec des milliers d’autres habitants pour lancer des actions en justice. Sous le nom “Mays, et al”, elle a déposé trois plaintes dont deux contre le gouverneur Rick Snyder pour violation de droits civiques.
Quatre mois plus tard, l’Agence de protection de l’environnement interroge le gouverneur qui déclare que cette crise “est un fiasco au niveau local, régional et national”, ajoutant que l’administration a “laissé tomber les habitants de Flint”.
Au côté de Melissa Mays, l’avocate Trachelle Young a aussi été victime de l’eau. Ses enfants, son mari, et elle-même ont bu cette eau impropre à la consommation pendant plus d’un an. Sans hésitation, cette femme spécialiste en droit criminel se lance dans un combat juridique contre la Ville et l’État du Michigan.
Pour la première fois de sa carrière, Trachelle Young organise un recours collectif contre la municipalité. Cette mère d’une quarantaine d’années qui, tous les jours, amène ses enfants chez ses parents pour prendre des douches en dehors de Flint, garde espoir. Elle croit en la justice. Depuis un an, elle s’acharne à défendre les droits bafoués des habitants qui paient leurs factures d’eau chaque mois.
Une première victoire soulage les esprits en avril 2015. Trois employés sont poursuivis en justice. Stephen Busch et Michael Prysby, employés de l’Etat du Michigan et Michael Glasgow, employé de la ville et directeur de la qualité de l’eau, sont accusés de “négligence et tentative de falsifications de preuves”.
Deux mois après, deux entreprises sont dans le viseur du Procureur général du Michigan Bill Schuette. Le géant de l’eau français Veolia et une compagnie américaine, Lockwood, Andrews & Newnam, sont accusés de négligence et de nuisance publique.
Fin juillet, six autres personnes sont mises en cause par la justice. Mais un an plus tard, les procédures judiciaires sont toujours en cours et aucune condamnation n’a été prononcée.
Flint décide de revenir à son fournisseur précédent, la ville de Detroit avec l’espoir que les habitants auront à nouveau confiance en leurs élus.
Karen Weaver est élue maire de Flint. Elle a battu l’ancien maire Dayne Walling avec 10 points d’avance (55% contre 45%).
La maire de Flint Karen déclare l'état d’urgence.
Rick Snyder finit par déclarer l'état d’urgence au niveau régional. Le 20 janvier, Barack Obama arrive à Flint pour annoncer la même chose au niveau national afin de débloquer des fonds pour envoyer de l’aide.
Le gouverneur Rick Snyder est entendu pour la première fois par un comité d'enquête. Il affirme que l’Etat a échoué.
Le gouverneur annonce un plan d’action mené par les agences. Il devrait aider à apporter une aide professionnelle aux enfants de moins de 6 ans avec des taux élevés de plomb, remplacer les tuyaux d’adduction d’eau dans les infrastructures publiques et les 8 000 bâtiments de la municipalité.
Le comité indépendant d’enquête sur la crise annonce, dans un rapport préliminaire, que le département de la qualité de l’environnement de l’Etat du Michigan est en partie responsable.
Les chercheurs de Virginia Tech annoncent que l’eau n’est toujours pas potable bien qu’elle vient de Detroit. La corrosion des tuyaux affecte toujours la salubrité.
Le procureur général du Michigan, Bill Schuette, met en examen trois employés. Stephen Busch et Michael Prysby, employés de l’Etat du Michigan et Michael Glasgow, employé de la ville et directeur de la qualité de l’eau, sont accusés de “négligence et tentative de falsifications de preuves”.
Deux entreprises sont les cibles d’une action collective citoyenne et d’une mise en cause par le procureur du Michigan. Le géant de l’eau français Veolia et une compagnie américaine, Lockwood, Andrews & Newnam, sont accusés de négligence et de nuisance publique.